L'assemblée nationale a voté vendredi 23 novembre 2018, par 28 voix contre 14, la création d'une amende forfaitaire de 200€ sanctionnant l'usage illicite de cannabis (y compris pour un simple joint). Jusqu'alors, la loi prévoyait uniquement une peine de prison et jusqu'à 3750€ d'amende quel que soit le stupéfiant concerné, peine rarement prononcée pour l'usage de cannabis.

On peut légitimement s'interroger sur le bien-fondé de cette nouvelle mesure, à contre-courant des politiques de moins en moins répressives menées par de nombreux pays ces dernières années.

Abaisser le nombre de consommateurs en France

Pour ses défenseurs, la loi entend lutter plus efficacement contre l'usage du cannabis et répondre à l'augmentation constante du nombre de ses utilisateurs en France : 5 millions en 2017, dont 700.000 consommant quotidiennement selon les chiffres officiels.

La ministre du travail Nicole Belloubet a déclaré que cette mesure résultait "d'un travail important" de la mission d'information parlementaire sur le cannabis, et argué que ce type d'amende forfaitaire "marche bien pour d'autres contraventions". Elle a enfin insisté sur la "palette de réponses possibles", c'est-à-dire la possibilité pour le ministère public de continuer les poursuites devant le tribunal correctionnel à la suite d'une première amende.

Un "échec annoncé" ?

Plusieurs associations, personnalités politiques de gauche et même certains magistrats et policiers ont eux d'ors et déjà prédit "l'échec annoncé" d'une énième mesure répressive, et pointé du doigt son inégalité : cette dernière ciblerait prioritairement les jeunes issus de milieux populaires ou défavorisés, d'où son abaissement de 300€ (somme initialement prévue dans la première version du texte) à 200€ pour éviter de se heurter à l'insolvabilité des usagers.

mouvement-pronant-la-legalisation

La mise en place de cette amende démontre clairement que la France s'entête dans une politique axée sur la répression. Or, un constat s'impose : malgré un renforcement constant des sanctions pénales depuis 40 ans (aucune distinction légale entre le cannabis et les autres substances illicites, possibilité d'assimiler un consommateur à un trafiquant et le juger comme tel, peine plancher de 4 ans de prison pour les acheteurs récidivistes, fichage) faisant de la France un des pays les plus sévères du monde à l'égard des usagers de cannabis, néanmoins les français demeurent ceux qui en consomment le plus en Europe.

Il est évident que la dissuasion "pénale" ne fonctionne guère, et il est bien difficile de croire qu'il en sera autrement avec la mise en place de cette amende. De là à penser que les raisons de sa mise en place sont davantage motivées par des raisons pécuniaires que par une réelle volonté de "préserver la santé publique", il n'y a qu'un pas.

La France à contre-courant

De plus, le contraste entre la politique menée par l'hexagone et celle de nombreux autres pays européens est saisissant : l'Allemagne tolère la possession de 6 à 15 grammes (selon les régions), la Belgique fait de même jusqu'à 3 grammes et la République Tchèque jusqu'à 15. En Espagne, s'il est interdit de fumer dans la rue, ceci est légal chez soi ou dans un cannabis club. Le Portugal a dépénalisé la consommation de cannabis en 2000. La Suisse n'engage plus de poursuites pénales en dessous de 10 grammes depuis 2012. Sans parler du nombre croissant d'Etats américains qui franchissent le pas de la légalisation.

À lire  Où le cannabis est-il légal en Europe ?

A l'heure où nombre d'Etats prennent conscience que consommer du cannabis relève d'un simple choix privé et cessent la diabolisation stérile pour mieux contrôler la qualité des produits et ainsi protéger ses usagers, la France apparait totalement à contre-courant, à tel point que cette énième mesure répressive semble presque anachronique?

Sources :

- Huffpost

- Libération

- Franceinfo