Nous évoquions récemment l’adoption par l’assemblée nationale d’un projet de loi créant une amende forfaitaire de 200€ pour le délit d’usage de stupéfiants.

Certains groupes parlementaires ainsi que de nombreuses associations sont aujourd’hui mobilisés contre cette loi, et demandent au conseil constitutionnel de la censurer au motif qu’elle ne respecterait pas certains principes fondamentaux (ce conseil peut en effet « annuler » la promulgation d’une loi s’il estime qu’elle ne respecte pas les principes et droits énoncés dans la constitution).

Une saisine rapide

Le 21 février dernier, soit trois jours seulement après le vote de la loi, plusieurs groupes parlementaires (PS, Républicains, France Insoumise) saisissaient le conseil constitutionnel.

Ils sont rejoints par 19 associations, dont le syndicat de la magistrature, NORML France, AIDES, et un « collectif de policiers contre la prohibition ». Ces dernières ont adressé une lettre au conseil constitutionnel afin « d’appuyer la saisine déjà effectuée par les parlementaires » selon Enzo Poultreniez, membre de l’association Aides. Elle détaille en effet leurs arguments et fait écho à ceux qui jugent cette loi contraire aux principes constitutionnels.

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Une loi anticonstitutionnelle?

Les principaux arguments mis en avant par les parlementaires et les associations sont les suivants :

Cette loi porte atteinte au principe d’individualisation des peines.

La constitution prévoit en effet que chaque peine doit prendre en compte la situation de l’individu (une dérogation est cependant déjà effective pour les infractions les moins graves).

Or, avec cette loi « quelqu’un qui serait au RSA et qui se ferait attraper avec un joint paiera les mêmes 200 € que quelqu’un qui travaille à la Défense et qui serait pris avec de la cocaïne » toujours selon Enzo Poultreniez. Le montant serait en effet le même quelle que soit la situation sociale et financière du contrevenant.

Cette loi porte atteinte au principe d’égalité devant la loi.

Parlementaires et associations s’accordent pour souligner le fait que cette loi « conduira de facto […] à une rupture d’égalité entre les consommateurs et consommatrices issus des milieux les plus aisés et tous les autres », arguant que les contrôles sont d’ores et déjà inégalitaires (car statistiquement plus élevés dans les quartiers dits « sensibles »), voir discriminatoires (contrôles aux faciès…).

Ainsi, les consommateurs des milieux aisés seraient finalement beaucoup plus « épargnés » que ceux issus des milieux populaires. p;sensibles »), voir discriminatoires (contrôles aux faciès…). Ainsi, les consommateurs des milieux aisés seraient finalement beaucoup plus « épargnés » que ceux issus des milieux populaires.

Cette loi porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs.

En effet, les policiers relèvent du pouvoir exécutif et n’ont normalement pas le droit de porter une condamnation telle que le paiement d’une amende de plusieurs centaines d’euros: cette prérogative est dévolue au pouvoir judiciaire, afin d’éviter les abus(exception faite des contraventions routières)… 

Cette loi porte atteinte au droit à un procès équitable. 

Le système des amendes forfaitaires est normalement appliqué uniquement aux infractions routières et prévoit des moyens de recours (contestation de l’amende, appel au tribunal correctionnel..). Mais aucun de ces moyens n’est réellement applicable au délit d’usage de stupéfiants : il apparait en effet très difficile de prouver sa bonne foi et la contestation n’opposerait finalement que la parole du contrevenant à celle du policier.

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On le voit, cette loi n’est pas sans poser d’importants problèmes, puisqu’il en va du respect des droits fondamentaux. Suite à la saisie du conseil constitutionnel, la promulgation de la loi est suspendue jusqu’à ce que ce dernier se prononce. Le verdict est attendu le 16 mars prochain…

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Sources :

  • Ouest-France
  •  Actualitesdudroit.fr
  • Aides.org